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Dans les années 1970, dix choux géants ont poussé en plein centre de Créteil. Cette initiative de Gérard Grandval a toujours dénoté dans le paysage rectiligne et bétonné de la ville. Retour sur la non-success-story d'un édifice qui avait de grandes ambitions.

 

Stupéfaction et rire moqueur. Ce sont les réactions habituelles à la vue des "choux" de Créteil, ces bâtiments de 15 étages dignes du conte Jack et le Haricot magique.  Pourtant, cette création a reçu le label "Patrimoine du XXᵉ siècle" du ministère de la Culture, preuve qu'elle était alors le symbole et la fierté de l'architecture française. De plus, sa conception coïncidait parfaitement avec le projet de rayonnement de la ville : construction d'une préfecture, d'un palais de justice, de la maison de la culture et d'une université.  

 

Dans le film Tellement proches, le personnage interprété par Vincent Elbaz affirme fièrement que l'architecte se serait suicidé en voyant son oeuvre achevée. Cela est faux mais reste tristement crédible, car les bâtiments sont hideux. Mais au fait, pourquoi des choux ? Certainement parce que cette zone était autrefois un centre de production légumier, et parce qu'elle a abrité la plus grande usine de choucroute de la région parisienne... C'est vrai qu'avec de telles origines, ça commençait déjà mal.

 

Un édifice qui prend le chou

 

Dès le début, on prônait sa mixité sociale, ses espaces verts et sa structure intelligente. Pourtant, Créteil semble s'être engagée dans une véritable galère. Ce qui pose le plus problème, ce ne sont pas les bâtiments en eux-mêmes, mais plutôt leur adaptation sociale : ils font tache dans le paysage et dérangent bon nombre de propriétaires. Entre autres difficultés, les habitations ne sont pas fonctionnelles, les pièces en forme de trapèzes n'offrant aucun angle droit. 

 

Par ailleurs, dans les années 1990, les différences de niveaux de vie entre les habitants apportent de nombreuses tensions dans les quartier. En effet, des foyers ont été attribués à des familles en grande précarité puis d'autres à des étudiants. Entre violence, détériorations et appauvrissements, les rêves d'autrefois ont rapidement fané. Aussi, l'architecte avait d'abord imaginé des balcons végétalisés qui auraient évolué au fil des saisons. Ce petit changement aurait donné vie au lieu, mais les entrepreneurs ont refusé en prétexant les difficultés d'entretien.

 

Pourtant, il y a de quoi les trouver chou

 

Les balcons en forme de pétales ont été conçus pour donner l'impression aux habitants de se trouver dans une coquille à l'abri des regards. Et son emplacement est proche du RER, du métro et du tram. Et puis notons qu'ils se sont petit à petit enracinés dans le paysage architectural, donnant un surnom à tout le quartier. Comment penser à la ville sans se figurer ce monument déconcertant ? Gérard Grandval a réussi en un point : son oeuvre est enracinée dans nos mémoires. De Paris-Match au Times en passant par la Gazette de Hong Kong, ils l'ont tous photographiée. Et puis, malgré leur complexité, les bâtiments résistent parfaitement au temps.

 

Le quartier des irréductibles choux résiste encore et toujours aux envahisseurs, aux critiques et au temps. Les "choux" rejoignent donc le panthéon des bâtiments mal-aimés, aux côtés par exemple de la cité des 4000, qui persistent mais ne resplendissent jamais.

 

 

"Les choux" 

font chou blanc 

Audrey Sandou

Critique / Architecture

14.04.2014

" L'art ne transforme pas. Il formule." Roy Lichtenstein

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