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Bienvenue dans la maison des Harmon, un cauchemar macabre, où chaque silence est une promesse de frisson.

 

Moins d’un an après la clôture de la série Nip Tuck, véritable phénomène courant sur plus de cinq saisons, Ryan Murphy et Brad Falchuk embrayent sur un nouveau sujet, aux antipodes des aventures chirurgicales de Sean Mcnamara et Christian Troy. En réponse à l’overdose de films d’épouvantes remakés, rebootés et mutilés par les Majors Hollywoodien depuis plus de dix ans, American Horror Story apparaît sur le petit écran comme un subtil contrepied moins inattendu qu’inespéré à son parent proche, le 7ème art.

 

L'horreur a un visage 

 

Le pitch a pourtant tout du stéréotype remâché : une famille américaine (les Harmon) emménage dans une maison aux airs de manoir dans le but d’y trouver le repos. Cette facilité scénaristique, dangereusement voisine du classique de Stuart Rosenberg, Amity-Ville (1979), joue d’emblée en sa défaveur. Or, au lieu de s’enliser dans un moule déjà connu, la série évite l’écueil du plagiat en imposant une structure inédite : chaque épisode s’ouvre sur un prologue mettant en scène les propriétaires précédents de la maison, en conflit avec des phénomènes paranormaux, à des époques données. Ainsi, l’arc narratif débute en 2011 mais englobe, par ces fragments, une kyrielle d’autres temporalités, tantôt vouées à se faire écho, tantôt à se chevaucher, comme si la maison était une sorte de réceptacle émotionnelle à l’intérieur duquel évoluerait un panel de personnages hétéroclites, miroir à peine déformé de la société actuelle.

 

Au-delà de cet aspect, American Horror Story se vit comme un train-fantôme roulant au pas, distillant dans son sillage une ambiance lugubre, voire malsaine, où derrière chaque coin d’ombre, chaque grincement de porte, se tapit une menace. Et c’est justement au travers de ce climat que la tension agit. A grand renfort de silences répétés, de nappes sonores et de musiques oppressantes, le spectateur est conditionné, l’ongle a-demi rongé. Car l’horreur à proprement parlé n’intervient que rarement, par bribes fulgurantes, quasi subliminales. Et c’est grâce à cette soudaineté que l’œil s’écarquille et le cœur tressaute. L’ensemble flotte dans une espèce de rêve, proche d’un fantasme avorté, mêlant esprits disgracieux et beautés farouches. A l’instar d’Insidious, de James Wan (2010), la mise en scène optimise le cadre, jouant à la fois sur les apparitions et les jeux d’ombres dans un décor au ressort dramatique inépuisable.

 

L'horreur familiale 

 

Toute grande série possède un caractère addictif ; celle-ci ne déroge pas à la règle. Suivre les mésaventures de la famille Harmon et de leur voisinage s’avère grisant, d’autant que les acteurs, habilement dirigés, livrent des performances d’une justesse rare - mention spéciale à Jessica Lange dont la voix mielleuse et le sourire sardonique n’en finit pas de glacer les sangs. Le héros est quant à lui en proie aux doutes, à la faiblesse. A mesure que l’histoire progresse, le spectateur assiste au délitement de la famille, happée par la folie. Les larmes fusent, les nerfs s’effritent. Et alors que l’intrigue atteint son paroxysme, un constat se fait : l’horreur annoncée dans le titre est moins en lien avec les esprits ou autres revenants qu’avec cette crise existentielle qu’essuient les protagonistes, et à laquelle personne – pas même le spectateur - n’est à l’abri.

L'American way
of death

Thibault Lafargue
Critique / Série
04.04.2014

" L'art ne transforme pas. Il formule." Roy Lichtenstein

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