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Dominique Duforest n'est pas qu'une voix. C'est aussi un œil affuté sur les médias et une plume emplie d'humour. Rencontre avec cet homme qui évolue hors-caméra, mais qui connaît toutes les ficelles pour la séduire.

 

Le numéro de téléphone est tapé. Les tonalités sont pesantes.  Le type de voix est encore inconnu, mystérieux. Et puis elle apparaît, grave. A l’image d’un grand méchant loup, il prononce un "allô" caverneux tout droit sorti des ténèbres, aux antipodes du "Ici La Voix" robotique. "Je suis navré, mais... j'ai une extinction de voix" dit-il d'un air malicieux. La situation est cocasse. Non… Ironique.

 

Loin des spotlights

 

Né avec les caméras, Dominique Duforest a su rapidement imposer son timbre. En plus d'être " La Voix ", il a été animateur et dirigeant de radio, training-coach, responsable de casting et écrivain. Mais cette fascination est aussi une affaire génétique : "Je suis né là-dedans, ma mère a été une femme de télévision importante [Jacqueline Duforest]. Elle était, entre autres, la coproductrice des émissions de variétés de Guy Lux au sommet de sa popularité. J’ai baigné dans ce milieu, et bien que j’aie exercé d’autres métiers loin des médias, je savais que forcément ça viendrait en son temps…".

 

Pourtant, il a toujours choisi d'exercer dans l'ombre. Il ne s'est risqué à montrer son visage à la télévision qu'une seule fois, dans le cadre d'entretiens quotidiens pour la chaîne TV6 en 1985. Il en rit aujourd'hui car ce ne fut pas un grand succès. Il préfère davantage mettre les vedettes en avant.

 

Cette mise en lumière, il l'a notamment faite grâce son rôle d'animateur radio. Son intonation témoigne de la vivacité de ses souvenirs : "J’ai eu beaucoup de chance, je le reconnais. Ma rencontre avec McCartney m'a bouleversé parce que je suis fan, celle avec Stevie Wonder parce qu’il m’a offert un moment de musique privé, celle avec Barbra Streisand pour la fascination qu’elle exerce en rentrant dans une pièce… Je peux en parler pendant des heures".

 

L'homme de télévision est aussi un homme de lettres. Il écrit sur la musique (Disco le dico), sur la télévision (Parlez-vous le people ? ) et... des blagues. Entre Méga blagues, 700 histoires 100% drôles et Cent blagues nazes à effeuiller, peu sont les spectateurs qui se doutent du potentiel humoristique de "La Voix". "Les bouquins de blagues sont venus…comme une blague. Mon éditeur chez qui je publiais des bouquins sur la musique recevait de ma part des blagues qui tournaient sur Internet. Il a longuement insisté pour que j’en fasse un bouquin, ce que j’ai fini par accepter au bout d’un an. Comme ça a marché, on a continué tous les ans."

 

Vox populi

 

Mais l'aventure la plus marquante de sa carrière est sans aucun doute Secret Story, avec ce rôle de "Voix" chargée de tyranniser les candidats. C’est en 2006, lorsqu’il travaille pour une petite société devenue filiale d'Endemol que la productrice le contacte. Il était apparu comme une évidence, car il a une voix inimitable et une connaissance irréprochable de la télévision. Il a d’abord refusé (par fierté), puis il a accepté de faire les essais, lesquels se sont révélés concluants. La machine était lancée. Même s'il ne fait aucun doute qu’à cet instant précis la voix à l’autre bout du combiné est similaire à celle qui fait trembler les candidats, beaucoup affirment qu'elle est modifiée pour la rendre plus grave. A cela, il répond avec un air d'instructeur "Non, ma voix n’est pas modifiée, elle est traitée, c’est-à-dire que les réglages sont faits pour tirer le meilleur parti de ce qui existe à l’état naturel. Par ailleurs, comme je travaille avec un micro-casque, je suis presque dans le murmure, ce qui me permet d’encore plus moduler dans les graves." D'accord, Monsieur.

 

Le rôle de voix-off est aussi un rôle de comédien dans lequel il s'amuse beaucoup "Toutes les missions, les petits jeux idiots et les grandes énigmes sont écrits, car c’est un jeu. Par contre avec les candidats, comme c’est de la matière vivante, j’improvise tout le temps, à tous propos, si je sens que c’est nécessaire." Et même après huit ans de ce rôle, il ne ressent toujours pas de lassitude. Il s'est créé un personnage à son image : "J’ai façonné le personnage. Dans la « bible » de l’émission, la voix était censée être beaucoup plus robotique et froide. J’ai réussi jusqu’ici à obtenir le respect que représente la voix dans le jeu avec ma personnalité."

 

Et inévitablement, il s'attache à cette matière vivante. Certains candidats appellent même  "La Voix" "papa". Cette relation semble terriblement étrange. "Ils ne me connaissent jamais avant, donc cette voix anonyme et fantasmatique leur sert un peu de point de repère, d’autant qu’ils se doutent bien que je pourrais être leur père… C’est du psy à deux balles, mais pas totalement faux. D'ailleurs, je revois encore de loin en loin certains candidats avec qui s’étaient tissés des liens de sympathie." J'en profite pour lui souffler mon point de vue sur certaines missions qui ont choqué l'opinion publique et lui demande le sien "Il y a des missions que je n'ai pas cautionnées et j’avais toujours raison ! Ça a un peu dérapé une ou deux fois... Mais je n’en dirai pas plus."

 

Dominique Duforest connaît parfaitement la téléréalité depuis ses bégaiements, il a même écrit un livre intitulé La téléréalité de A à Z (2003). A la question "la recette pour devenir un bon est-elle toujours la même candidat aujourd'hui ?", il répond : "Les candidats connaissent désormais trop les ressorts de ces émissions, ils ont décrypté les méthodes et les utilisent, perdant beaucoup de leur naturel." Il m'avoue même au détour de la discussion : "Pour être honnête, je ne suis pas du tout friand de ces émissions !".

 

Quand l’appel prend fin, sa voix, bien qu'intimidante, prend des tonalités plus joviales. Tout cela n’est en vérité qu’un instrument pour lui, un moyen de mettre en avant les autres et porter haut ses talents.

Audrey Sandou
Portrait / Télévision
12.05.2014

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