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Les doigts
dans l'plat 

 

 

Les week-ends à la campagne chez les grands-parents c’est toujours l’angoisse. Arrivés à 11 heures, le déjeuner à peine digéré, ils attendent avec un apéritif qui pourrait nourrir tout un régiment. À 15 heures, si les plats se sont enchainés rapidement, c’est enfin le moment de sortir de table. Tout le monde se love dans un canapé et se promet de ne pas manger au dîner. Comme toutes les résolutions, celle-ci ne se tient pas longtemps.

 

L’odeur du caramel et de la pâte croustillante envahit le salon. Le grand-père fait un gâteau pour le goûter. Le régime, c’est foutu. Dans la cuisine c’est la guerre, une vraie révolution du sucre. Contrairement au déjeuner niquel de la grand-mère, le papi refait le monde dans ses fourneaux. De œufs cassés, des bols éparpillés, de l’huile sur les poignées. Le four sonne et il sort une tarte. Evidemment personne n’a faim mais tout le monde est gourmand. Et puis la tarte de papi, c’est pas tous les week-ends ! Pas le temps de la laisser refroidir, chacun met les doigts dedans et prend sa part. Parfois elle n’est pas bien cuite et les pommes sont trop sucrées mais c’est ce qui la rend meilleure. Il arrive même qu’elle tombe et se retrouve à plat contre le sol. Rien de bien grave, c’est une tarte tatin.

 

Le goûter chez les grands-parents c’est le repas des cochons. C’est brouillon mais tellement bon. Le meilleur moment arrive lorsqu’il faut ranger. Tout le monde se bat pour lécher la cuillère et pour les moins chanceux, il reste les doigts. Désolé Proust, mais la madeleine c’est bien trop sage et trop brillant à côté d’une tarte à l’envers.

Estelle Chalut-Natal
Chronique / Cuisine
21.03.2014

" L'art ne transforme pas. Il formule." Roy Lichtenstein

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