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En quelques tapotements, ce jeu pour mobile, élu aux yeux de tous comme le plus stupide et énervant du monde, a connu un succès mondial. Retour sur ces jeux qui rendent accro… et qui donnent envie de jeter son téléphone par la fenêtre.

 

De l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas. Flappy Bird en est la parfaite illustration. Ce jeu à l'air totalement inoffensif aux premiers abords, mais méfiez-vous de cet oiseau de mauvaise augure : il mord ! Il s'agit d'un jeu d'obstacles pour mobile très simple, il faut faire voler un oiseau entre des tuyaux en tapant sur l'écran de son smartphone. Oui mais voilà, son créateur s'est amusé à mettre un niveau de difficulté très élevé. Dès que l'oiseau touche un tuyau ou heurte le sol, la partie est terminée. C'est donc au bout de quelques secondes que le rythme s'accélère et que le "game over" devient inévitable. Développé par Nguyễn Hà Đông, un développeur indépendant vietnamien, ce jeu - réalisé en deux jours - existe depuis mai 2013 et a été publié par .GEARS Studios. Pourtant, c'est en janvier 2014 qu'il a déployé ses ailes pour conquérir le monde entier sur les plateformes iOS et Android. Avec lui, le paradoxe est total : le joueur se sent frustré (car il perd à tous les coups) mais il ne peut pas s'arrêter de jouer. Il crée une addiction dès la première utilisation. C'est comme cela que l'application a réussi à survoler toutes les autres pour atteindre le sommet des téléchargements de l'App Store fin janvier 2014.

 

L'histoire a vite pris un coup dans l'aile

 

Les accusations de plagiat se sont succédées. Le 8 février 2014, le site Kokatu (spécialisé dans le jeu vidéo) soutient que ce jeu est un plagiat graphique du jeu Mario (il est vrai que les tuyaux ressemblent étonnamment à ceux de Super Mario). Ensuite, Blue Cloud solution, une société américaine de marketing sur mobile, accuse le créateur d'avoir soudoyé de faux-joueurs pour laisser des commentaires élogieux et de bonnes notes, hissant l'application au top du classement des plateformes de téléchargement. Et enfin "cocorico" ! C'est un développeur indépendant français nommé Kek qui dénonce un plagiat de son propre jeu intitulé Piou Piou contre les cactus. Dans une tribune intitulée Comment j'ai failli être millionnaire publiée le 9 février 2014 dans Le Huffington post, il déclare "Ça laisse un goût amer, qu'un jeu puisse être autant téléchargé, qu'il amuse autant de monde et qu'on le trouve génial, alors qu'il n'a clairement rien inventé, au contraire, il a juste repiqué à droite et à gauche sans trop se fouler".

 

Du coup, le 9 février 2014, à la surprise de tous, le créateur du jeu le plus populaire du moment annonce sur Twitter que le jeu sera retiré de toutes les plateformes le lendemain à 11 heures précises. Alors que certains le suspectent de vouloir éviter les attaques en justice, il explique cette rétractation par le fait que ce jeu lui prenait trop de son temps, et que sa couverture médiatique l'étouffait. Pourtant, le développeur gagnait près de 50 000 dollars par jour en recettes publicitaires, de quoi se sentir pousser des ailes. Aussi, il semble que la rage envers le petit oiseau ait aussi touché son propre créateur, "Maintenant, je le déteste" a-t-il déclaré. Preuve que les accusations de succès non mérité peuvent détruire n'importe quel jeu.

 

Il n'y a qu'à regarder autour de nous : qui n'a jamais surpris un homme d'affaires se casser la tête avec Candy Crush Saga dans le métro ? Qui n'a jamais vu un enfant tirer sur le lance-pierre pour éjecter un oiseau dans Angry Birds ? N'avez-vous pas entendu au moins une fois un ado hurler en jouant à Flappy Bird ? C'est une invasion, c'est une attaque… semblable à celle des Oiseaux d’Hitchcock. A chaque fois, les maître-mots des développeurs semblent être : stupidité et complexité. Dans Angry Birds, il faut faire voler des oiseaux avec un lance-pierre. Dans Candy Crush Saga, il faut déplacer des bonbons. Dans FarmVille, il faut gérer des récoltes virtuelles. Certes, les objectifs sont stupides. Mais à chaque fois, la difficulté est telle qu'elle absorbe le gamer. Alors, une interrogation demeure : faut-il créer des jeux pour cervelle d’oiseau pour connaître le succès ? Après mûre réflexion, il semble qu’il soit possible de tirer (au moins) 5 raisons de croire au potentiel des jeux abrutissants :

 

  • Un miroir aux alouettes addictif

 

Plus c'est corsé, plus ça fonctionne. Ces jeux sont conçus pour énerver le gamer, et cette catégorie de jeux rassemble de plus en plus de fidèles. Des échanges de vies sur facebook pour Candy Crush Saga à l'achat avec de l'argent réel pour des récoltes dans FarmVille, les joueurs sont prêts à tout pour franchir les niveaux. Alors qu'auparavant, l'impression de simplicité était mise en place dans un but marketing, la complexité est aujourd'hui un argument de vente solide. L'addiction envers Flappy Bird a même persisté après l'arrêt du jeu : de la sortie de t-shirts ornés du slogan "N'oublions jamais Flappy Bird" à la création de près de 60 clones du jeu par jour.

 

  • Donner des noms d’oiseaux pour se purifier

 

Flappy Bird permet de se purifier de ses passions au moyen du jeu. C’est une forme de catharsis pour geek. Il énerve pour notre bien, car ce sont la concentration et la réflexion qui entraînent un sentiment d'humilité et de combativité. Si on met ce jeu en parallèle avec les échecs de la vie réelle, on peut certainement en tirer une leçon. Après maintes et maintes défaites, c'est grâce à la persévérance que l'on peut triompher. Etienne Perrin, développeur freelance, déclare à ce propos "On dit qu'un bon design de jeu c'est quand il est facile à comprendre mais difficile à maîtriser". 

 

  • Un business prospère peuplé de vautours

 

Selon une étude réalisée par Flurry, en 2013 les applications smartphone ont connu une augmentation de leur utilisation de 115%, les jeux ayant progressé de 66 à 80%. La gratuité n'empêche pas de gagner des millions grâce à un jeu, le plus stupide soit-il. Flappy Bird était téléchargé plus de 2 millions de fois par jour. Sachant qu'une fois accros, des millions de joueurs sont prêts à payer immédiatement pour gagner de "nouvelles vies", les bénéfices sont colossaux. De ce fait, certains développeurs, comme Nguyễn Hà Đông, deviennent riches du jour au lendemain. Preuve en est, Candy Crush Saga est côté en bourse et le marché des applications mobiles est actuellement deux fois plus important que celui des consoles de jeux. Et même après sa fuite, le jeu Flappy Bird reste rentable car certains rigolos s'amusent à mettre en vente des Iphones (sur lesquels le jeu est installé) à plusieurs centaines de dollars sur Ebay, jusqu'à 100 000 dollars pour un Iphone 5S.

 

  • La promesse d’un buzz sans y laisser de plumes

 

Réussir avec une application stupide, c'est aussi créer un séisme sur toute la toile. Tous les détournements et parodies voient alors le jour. Entre autres, pour Flappy Bird, un joueur a voulu recréer le jeu dans la vraie vie en recréant l'interface du jeu dans une boîte en carton (la boîte se ferme lorsque l'on perd). Le site Minute Buzz a posté un article intitulé Un petit malin a enfin trouvé une solution pour en finir avec le jeu, un coup monté qui renvoie à une vidéo de destruction d'un téléphone : seule issue possible au jeu. Enfin, on peut trouver le jeu Siquishy bird, dans lequel vous êtes le tuyau et le but est d'écraser l'oiseau, une inversion des rôles qui fait du bien. Aussi, des développeurs ont petit à petit créé des clones du petit volatile, que ce soit du côté de la difficulté ou du pixel art, comme les jeux Hoberboard Rider ou 2048.

 

  • Bayer aux corneilles pour la création

 

Peut-être que ce choix est dû à la durée de vie limitée des jeux sur mobile (en moyenne 3 mois), mais il n'y a généralement pas de scénario ni de recherche graphique. Avec des graphismes équivalents à ceux de Super Mario, Flappy Bird joue sur la nostalgie sans trop se fouler avec son Pixel-art et son décor en 2D. Le gameplay repose sur l'agilité du joueur : il faut faire avancer l'oiseau dans un environnement à défilement horizontal et l'esthétique reste basique. Il y a donc eu peu de réflexion sur la création pour beaucoup de bénéfice.

 

Il est donc aisé de comprendre pourquoi les utilisateurs adorent détester cette catégorie de jeu. Ainsi, de l'amour à la haine, il n'y a qu'une appli. C’est maintenant à vous de choisir la plus stupide.

Audrey Sandou

Critique / Jeu vidéo

14.04.2014

Drôle d'oiseau 

" L'art ne transforme pas. Il formule." Roy Lichtenstein

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