top of page

Tête-à-tête avec
un nouveau-né 
du Merveilleux

Thibault Lafargue
Interview / Littérature
07.03.2014

Feldrik Rivat, détenteur d’un prénom qui, de par son originalité, le prédestine à devenir le bâtisseur d’un monde chimérique, publie aujourd’hui son premier roman, Les Kerns de l’Oubli. Brève échappée au cœur d’une Fantasy Française en plein essor…

 

Beaucoup d’auteurs nourrissent le vœu d’être écrivain dès leur plus jeune âge, était-ce votre cas ?

 

Dans mon cas, ce désir est venu sur le tard. De nombreux rêves ont nourri l'adolescent et le jeune adulte d'alors, je me voyais explorateur, océanographe, botaniste tropical, je rêvais de civilisations anciennes, de fossiles, je me voyais acteur, comédien, cinéaste. En prenant de l'âge, j'ai tué un à un ces rêves, faute d'avoir les moyens de les réaliser. L'écriture s'est alors imposée par frustration de rester au pied du mur. Je suis donc parti sur un coup de tête, à 24 ans, dans l'écriture des Kerns de l'Oubli, pour me défier et affûter ce qui sans doute serait bientôt le seul moyen pour moi de transcender ma condition. J'écris à plein temps depuis deux ans maintenant, avec la conviction d'avoir en main la seule activité qui puisse pour moi faire la synthèse de cette boulimie des premières années de ma vie, et me conduire à chaque écrit, vers ces rêves d'ailleurs et d'autre- temps. 

 

En lisant votre livre, on ne peut s’empêcher de songer au Cycle de Mars, à la Horde du Contrevent et à Elric. Jusque où s’étendent vos inspirations ?

 

Certains auteurs ont en effet nourri mon imaginaire, même si je n'ai pas d'auteur fétiche. J'ai plutôt tendance à découper ce qui me plaît pour en comprendre le fonctionnement. Je me rends compte aussi que mes sources les plus riches sont de nature autre : documentaires, films, BD, et musiques font partie tout autant que les écrits, de mes sources d'inspiration, voire les dépassent dans bien des cas. Les mondes anciens, pour les Kerns, s'imposent comme la principale source d'inspiration, sans fond ni limites. Le retour aux origines, chercher à comprendre comment l'Homme, à travers les âges s'est conçu Homme, m'intéresse au plus haut point. La question des origines est une de celles qui fait marcher le monde ! 

 

Les Kerns de l’Oubli a d’abord été publié aux Editions du Pierregord en 2011, puis aux Editions de l’Homme Sans nom, en 2013. Comment expliquer ce brusque revirement ?

 

De la manière la plus simple qui soit. Une fois achevé le premier opus des Kerns, le temps est venu de trouver un éditeur. Durant 6 ans, j'ai envoyé mon manuscrit à une sélection d'éditeurs spécialisés, avec la litanie de refus types qui va avec et parfois, des avis plus détaillés sur mes travaux. J'ai durant ces 6 ans réécrit 6 fois l'Exil, avant de me voir accepter chez Pierregord. Le contrat était assez sérieux (publication à compte d'éditeur, tirage de 1200 exemplaires, diffusion nationale) et j'ai donc accepté de signer avec le premier éditeur qui voulait bien de moi. Erreur... Si je reconnais le mérite à cet éditeur de m'avoir offert une chance, il s'est aussi révélé d'une incompétence rare en ce qui concerne le cœur de ce qui aurait dû être son métier. Pas de correction éditoriale, pas de ligne éditoriale claire, pas d'identité non plus. Et plus dommageable que tout, aucune culture du milieu SFFF* couplé à une vision du monde de l'édition datant des années 80. Par chance, au moment où j'ai commencé à me sentir très à l'étroit, cet éditeur a fait faillite. J'ai alors pu démarcher des éditeurs qui me semblaient sérieux, HSN** me proposait les conditions idéales de mon point de vue, j'ai signé. J'ai depuis compris ce que pouvait apporter un éditeur, même si le chemin à parcourir vers le succès reste long !

 

La version publiée de votre roman est-elle le reflet exact de votre manuscrit ?

 

Oui et non. Elle est le reflet d'un instant "t" de ce texte. En signant chez HSN, j'acceptais aussi de reprendre mon texte pour la 7ème fois. Je ne suis pas dans le mythe du créateur pur, isolé au fond de sa grotte, ne sortant que pour faire découvrir au monde son œuvre. J'ai plutôt été habitué à confronter l'objet, à le voir testé et éprouvé. Un roman est une épreuve d'endurance. Des passages se révèlent excellents quand d'autres s'enlisent. Le rôle de l'éditeur est de pointer du doigt, avec un regard neuf, ces zones de faiblesse. Le texte publié est donc le fruit d'un texte repris 7 fois dans son intégralité, et d'une correction éditoriale attentive entraînant durant un mois, un intense jeu d'aller-retour. Maintenant, ce degré de retouche dépend de chaque auteur. En ce qui me concerne, jamais un mot ne saurait venir d'ailleurs que de ma plume ! Je vais jusqu'à reprendre un paragraphe entier si d'aventure une règle obscure de grammaire venait à dénaturer telle musicalité ou rythme de phrase !

 

En ce moment, vous êtes en pleine rédaction du dernier tome des Kerns. Quelle méthode de travail adoptez-vous ?

 

Il y a plusieurs phases. La mise en place des décors principaux, la description de nouveaux personnages et l'énumération des actions indispensables. De ce premier élagage, nait le chemin de fer des actions. Vient ensuite le moment de découper en chapitre et, chose liée au mode de narration choisi, d'attribuer ces actions au point de vue des uns ou des autres de mes personnages. À partir de cette base, vient l'écriture du premier jet. C'est l'épreuve d'endurance : astreinte quotidienne, objectif en nombre de mot : il s'agit d'avancer, de tracer, de toucher au point final. Reste ensuite le meilleur : la réécriture. Par elle, le scénario se tend, les chapitres valsent, les personnages se creusent, les lieux se détaillent, les actions se précisent. C'est aussi un travail fastidieux : la moindre retouche engendre un jeu de réactions en chaîne qu'il s'agit de pister à travers tout le texte. Viendra alors le moment d’une dernière reprise en main, pour affiner le style, simplifier la langue. Enfin, viendra le moment de la correction éditoriale, la mise en page et la parution. Mes journées de travail sont réglées sur 10 heures d'écriture. Sept jours sur sept. Je ne relève la plume que pour quelques séances de dédicace. Durant ces journées de travail, je produis de 1000 à 4500 mots, selon les passages, et bien sûr, l'inspiration.

 

*SFF : Science-fiction / Fantasy ** HSN : Les éditions de l’Homme sans nom

 

 

 Les Kerns de l’Oubli Tome 1 : L’Exil

De Feldrik Rivat

Editions de l’Homme sans Nom.

2013

" L'art ne transforme pas. Il formule." Roy Lichtenstein

bottom of page